“Music-Hall Colette” : éblouissant cabaret en forme d’ode à la liberté
©Julien_Piffaut
Au Théâtre Tristan Bernard, Cléo Sénia déploie tous ses talents pour incarner la grande écrivaine Colette, ainsi que Claudine, le personnage né de sa plume et qui ne va plus la lâcher. Cléo écrit, joue, danse et chante merveilleusement, et a trouvé en Léna Bréban une metteure en scène qui lui offre un cadre scénique idéal, traversé par des projections vidéo et des photos. Un vrai délice qui scelle le lien entre Cléo et Colette.
Une inconvenante liberté

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Cléo Senia est une jeune artiste pleine de talents. Musicienne, chanteuse, danseuse et comédienne, elle semble ne rien s’interdire et nous l’avions déjà admirée dans le duo des Sœurs Papilles avec Anne-Laure Bonnet ainsi que dans Gaby la magnifique dans le rôle de Gaby Deslys. Passionnée de music-hall et de spectacles de cabaret, la ravissante brune a trouvé en Colette un alter ego fantasmatique, qu’elle incarne à travers toutes ses vies, ses amants et ses personnages, après lecture de son œuvre littéraire qu’elle a adaptée avec Alexandre Zambeaux. Muse de la mise en scène, Léna Brébant organise ces talents pour les mettre en scène et fabriquer un spectacle en forme de kaléidoscope, véritable bouquet amoureux envers Gabrielle Sidonie Colette de Saint-Sauveur, l’auteur des Claudine que lui aura commandé son premier mari Willy, épousé à vingt ans, son premier mentor, un éditeur musical un peu voyou qui la trompe ouvertement. Elle en fera de même ensuite, apprenant les leçons de son premier mari, mais cette fois en se tournant vers les femmes. Mathilde de Mornay, dite Missy, sera celle qui lui permettra de se produire avec elle sur scène et de se libérer de toutes les conventions bourgeoises.
Le corps et le cœur en éventail

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Voici donc Sidonie-Gabrielle en col Claudine et robe bleu marine, bottines blanches de jeune fille encore sage, qui s’impatiente sous la houlette de sa mère. Cléo Sénia, visage de poupée et grands yeux noirs, apparaît sur scène avec cette juvénile fraîcheur, tandis que des écrans placés au fond du plateau nous renvoient son image dans le rôle de Claudine. Claudine surveille la vie de Colette, qui cherche à s’encanailler, comme si les deux moi de l’artiste dialoguaient par l’intermédiaire de la seule comédienne aux multiples identités. Et c’est toute la force de ce spectacle réjouissant, que de faire croiser ces identités artistiques, la femme, la romancière, la comédienne et la danseuse, au cœur d’une seule interprète qui se love dans tous les plis de ces multiples personnages. Provocante dans un déshabillé précieux qui dévoile ses deux seins, alors que Colette au début du XX° siècle avait fait scandale en dévoilant un seul sein, la comédienne virevolte et joue des contrastes, intellectuelle qui réfléchit avec son corps mais se refuse au féminisme, amoureuse invétérée qui se marie trois fois et bascule ensuite dans le journalisme, mue par la seule force de vivre et de créer.
Liberté avant tout

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Et cela fait beaucoup de bien d’admirer cette magnifique artiste, Cléo Sénia, épouser la force vitale, la liberté avant-gardiste de la grande Colette, ses insolences et ses irrévérences, son talent et son génie si inspirant. Danseuse aux deux éventails, orientale et d’une torride sensualité, parisienne des années folles se dénudant devant un parterre horrifié, journaliste allant sur le front des Ardennes en 1914, assumant ses amours, ses amants et ses maris, ses femmes et ses amantes, vénérant le verbe, avant tout, qu’elle ciselait comme son ami Jean Cocteau, la Colette de Cléo Sénia est un bouffeuse de vie et d’amour, qui descend dans la salle pour prendre le public par la main. Un bain d’effervescence et de vitalité bienheureuse, dans ses tourbillons et ses excès ! Un vrai bonheur qui met en ébullition le public conquis.
Hélène Kuttner
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